Émile Nelligan
Œuvres complètes
Lors des deux premières séances publiques de l'École littéraire en 1899, Nelligan ne rencontre pas le succès espéré. Il est vivement blessé par les remarques que lui adresse de Marchy, dans le Monde illustré — remarques dont on a dit qu'elles alliaient bêtise et méchanceté. Nelligan y répondra par « La Romance du vin » qu'il récitera lors de la troisième séance publique deux mois plus tard. Après la parution, en 1900, de quelques-uns de ses poèmes dans les ouvrages collectifs Les Soirées du Château de Ramezay et Franges d'autel, plusieurs articles critiques favorables lui sont consacrés.
Émile Nelligan, né le 24 décembre 1879 à Montréal et mort le 18 novembre 1941 dans la même ville, est un poète québécois influencé par le mouvement symboliste ainsi que par les grands romantiques. Souffrant de schizophrénie, Nelligan est interné dans un asile psychiatrique peu avant l'âge de vingt ans et y reste jusqu'à sa mort. Son œuvre est donc à proprement parler une œuvre de jeunesse. Ses poèmes, d'abord parus dans des journaux et des ouvrages collectifs, sont publiés pour la première fois en recueil par son ami Louis Dantin sous le titre Émile Nelligan et son œuvre (1904). Ce recueil constitue un ensemble inégal sur le plan de l'authenticité créatrice — nombre de poèmes sont des pastiches ou des reflets de plumes bien connues —, mais révèle néanmoins un poète original au talent indéniable. La musicalité des vers est très certainement l'aspect le plus remarquable de la poésie d'Émile Nelligan. Les principaux thèmes abordés sont l'enfance, la folie, la musique, l'amour, la mort et la religion. Au fil des ans, sa figure prend de plus en plus d'ascendant et il est généralement vu comme le point de départ de la poésie québécoise moderne, rompant avec la thématique patriotique de son époque pour explorer plutôt son espace intérieur. Depuis plus d'un siècle, Nelligan a inspiré chansons, films, tableaux, pièces de théâtre et même un opéra ; nombre de critiques, d'écrivains et de cinéastes ont exalté son génie, sa folie ou son martyre. Le phénomène a atteint une telle ampleur que sa figure a pris la dimension d'un « mythe » populaire, qui conjoint la figure romantique du poète maudit et celle de l'éternel adolescent. En tant que tel, il a aussi suscité la controverse et certains ont tenté d'attribuer son œuvre à un « compositeur de génie » de ses amis. Plusieurs de ses poèmes sont « parmi les plus réussis de la littérature québécoise, et mériteraient d'être intégrés au patrimoine de la littérature d'expression française. »